- GÉNÉTIQUE TEXTUELLE
- GÉNÉTIQUE TEXTUELLEGÉNÉTIQUE TEXTUELLEOn appelle «génétique textuelle» la démarche qui, loin de considérer l’œuvre littéraire comme une totalité close sur elle-même, tend au contraire à la confronter à la multiplicité des documents de rédaction qui ont accompagné son élaboration. Le dossier des manuscrits d’une œuvre peut comprendre, outre une éventuelle documentation réunie par l’écrivain, une série plus ou moins diversifiée de documents qui témoignent de l’évolution de son travail: des plans, des scénarios, des ébauches, des brouillons, des mises au net corrigées, un manuscrit définitif, des corrections sur épreuves, etc. Bref, toute une histoire dont le texte procède et dont il paraît être l’aboutissement esthétique, mais une histoire parfois si différente du résultat définitif qu’il faut bien voir aussi une dimension particulière de l’œuvre: une production certes pensable selon l’ordre d’une finalité, mais dont le devenir répond à une logique traversée par d’autres possibles.Dégager le vaste mouvement par lequel s’élabore de plus en plus précisément ce que sera le texte final, sans dissimuler la pluralité des divergences qui opèrent de l’intérieur cette transformation, tel est le travail critique qui doit accompagner l’analyse des manuscrits de l’œuvre. C’est faire passer l’ensemble du dossier holographe du statut indifférencié de «manuscrits de l’œuvre» au statut critique d’«avant-texte».Cette prise en considération systématique de l’existence des manuscrits et l’exigence d’une méthode cohérente pour les établir et les constituer en avant-texte déterminent un nouvel espace de recherches et un nouveau point de vue sur la question: «Qu’est-ce qu’écrire?» En quoi consiste concrètement cette opération par laquelle un texte, notamment littéraire, s’invente, s’esquisse, s’amplifie, éclate en fragments hétérogènes, se condense, se sélectionne parmi — et contre — plusieurs autres réalisations de la rédaction et finalement se fixe sous la forme stable où il devient (au moins traditionnellement) publiable comme le texte arrêté de l’œuvre (cf. l’édition par P.-M. de Biasi des Carnets de travail de Flaubert, Paris, 1988).Si la publication exhaustive d’un dossier de manuscrits reste une réalisation encore relativement exceptionnelle, on ne compte plus les contributions de la génétique textuelle au renouvellement des éditions contemporaines. Des équipes de chercheurs tentent ainsi de trouver un compromis entre les exigences matérielles (dimensions du livre, coût de fabrication) et les possibilités de renouvellement offertes par la publication en annexe d’une sélection de documents de rédaction inédits de l’œuvre. Il faut entre autres travaux de ce type, signaler, pour la littérature française du XIXe siècle. les éditions de Zola (par H. Mitterand), de Balzac (sous la direction de P.-G. Castex), de Michelet (par R. Casanova), de Flaubert (par G. Sagnes et C. Gothot-Mersch pour la nouvelle édition de la Pléiade), de Hugo (par P. Albouy, J. Gaudon, G. Rosa, J. Seebacher), de Nerval (par C. Pichois), de Vigny (par A. Jarry). Pour les œuvres françaises du XXe siècle, un important mouvement de réédition entreprend la présentation génétique de vastes corpus: notamment Céline (par H. Godard), Giono (par P. Citron et R. Ricatte). Proust (sous la direction de J. Y. Tadié pour la nouvelle édition de la Pléiade, et par J. Milly dans la collection G. F.). Sartre (par M. Contat et M. Rybalka), etc.Une grande partie des travaux en génétique textuelle émanant du secteur universitaire, on ne saurait dissimuler l’importance qu’a eue, dans l’apparition et le développement de ces recherches, la fondation par le C.N.R.S., en 1976, du Centre d’analyse des manuscrits (C.A.M.), transformé en laboratoire en 1982 sous le nom d’Institut des textes et manuscrits modernes (I.T.E.M.).
Encyclopédie Universelle. 2012.